INDE
(2ème séjour)
PONDICHÉRY - BANGALORE - CALCUTTA
De retour de notre formidable séjour aux Maldives, nous récupérons nos valises chez Mélissa à Cochin où nous passons nos dernières heures avant de prendre le bus de nuit pour Pondichéry. Depuis le temps qu'on en parlait...
Ville au passé tumultueux, elle fut fondée par les français à la fin du 17ème siècle, ensuite envahie par les hollandais puis reprise par les français et pillée par les anglais avant d'être restituée à l'Inde en 1956.
Après seulement une matinée d'imprégnation, notre déception est grande et la description que je vais en faire est loin d'être élogieuse. Ça commence par une argumentation avec notre chauffeur de tuk-tuk à la descente du bus et qui nous prend pour des milliardaires (ainsi que tous les autres au cours du séjour). La ville n'a pas d'âme réelle, la voirie est défoncée et les parcs sont sales, encombrés, mal entretenus et les rues sont envahies d'européens soi-disant en quête de bien-être mais qui ont manifestement rendu l'atmosphère irrespirable. Ici la bienveillance est à la hauteur du porte-monnaie supposé du blanc (ça on l'a compris rapidement), et, à la moindre remarque, s'en suivent des regards malveillants. Pas difficile de décoder le message qui semble être le même que celui des sénégalais que nous avons subi l'hiver 2021/22 :
"Vous faites comme chez vous ? Ok... on vous le fait payer !" (au sens propre)
Ceci dit, ce n'est pas aux indiens de s'adapter, mais aux étrangers de faire amende honorable en se comportant en "invités" plutôt qu'en conquérants. Les attitudes changeraient, croyez en notre expérience d'africains.
Seule l'ambiance du petit marché bordant le parc botanique nous enchante véritablement. D'ailleurs, nous en sommes les seuls visiteurs non locaux. C'est ici que nous avons trouvé les sourires, les couleurs de l'Inde qu'on aime tant et un collier de fleurs pour Henri qu'une petite marchande nous confectionne avec beaucoup d'amour.
Voici déjà 4 jours que " joli-papa" nous a quitté et aujourd'hui la famille de Lionel est rassemblée à Lanvallay pour ses funérailles. De fait, nous entrons dans la cathédrale de la ville y déposer nos fleurs et y restons de longues minutes à penser à lui. Puis, nous déambulons telles deux âmes en peine le long du remblai quasiment vide avec l'espoir de tremper nos pieds dans le golfe du Bengal. Mais la plage est impraticable et la mer dangereuse. Alors nous nous réfugions sur la terrasse d'un restau faisant face à l'océan.
Nous prenons un rafraichissement puis décidons d'y déjeuner, marquant ainsi un dernier repas en sa compagnie, devant un plateau de fruits de mer face à l'immensité bleue.
Il y a plus d'un an que notre Sylvette nous avait confié les coordonnées d'un bon ami vivant à Auroville, au cas où nous passerions dans le coin. Elle-même y ayant vécu dans les années 80, nous concrétisons ici nos conversations menées avec elle au cours de notre séjour à St Louis au Sénégal.
Nous rencontrons enfin Jean-Louis, un homme charmant avec qui nous passons un agréable moment au Solar-Kitchen d'Auroville. Le concept de cette ville utopique nous interroge et nous voulons en savoir plus.
A la base, la démarche aurovillienne est axée sur la spiritualité autour d'une communauté de vie universelle ou la politique et les croyances sont proscrites.
Or, après avoir bien écouté le narratif de Jean-Louis, la vie à Auroville nous fait tout de même penser à une méthode utilisée par les sectes. Effectivement rien de religieux mais un discours enjolivé utilisant la technique de "l'entonnoir" et qui amène à la "pensée unique et harmonieuse" afin d'empêcher toute objection. C'est ce que Lionel avait appris en école de commerce. Le fameux time-share, entre autre, utilisait cette technique de non-retour et c'est exactement ce qui s'est passé au cours de ces trois dernières années en occident dans un registre bien plus grave...voyez ce que je veux dire !
Les aurovilliens sont tous propriétaires de leur maison et de leur terrain, de gros et surprenants patrimoines dans lesquels ils ont investi une large partie de leurs économies ! Ils peuvent donc en jouir à vie à condition de passer et de respecter certaines étapes pour intégrer la communauté (genre rituel). Mais en aucun cas ils ne peuvent revendre pour leur compte ou léguer à leurs descendants (quoi qu'il y aurait eu quelques arrangements). S'ils quittent le groupe plus de cinq ans, les biens reviennent de fait à la communauté !
Mais le réveil sonne toujours à un moment ou un autre:
Les aurovilliens commencent à réagir devant l'intérêt soudain, en 2019, de l'état indien pour leur communauté en général, et pour les terres en particulier.
Ainsi, les pelleteuses sont entrées en action depuis six mois et la ville est passée "d'utopique" à chantier à ciel ouvert. Voirie, ponts, lacs artificiels, écoles et logements neufs font penser que très bientôt, des milliers de familles indiennes vont venir s'installer et ainsi pousser vers la sortie ou largement restreindre la communauté qui compte plus de 65 nationalités différentes au statut très particulier.
Seul le Matrimandir, édifice spirituel considéré comme l'âme de la ville, semble être épargné dans ce vaste projet (photos ci-dessous)
Nous quittons finalement Pondichéry au bout de quatre jours pour Bangalore en "sleeper-bus" de jour, 7h30 de trajet pour rallier la Silicon Valley de l'Inde...
Nous sommes d'emblée conquis !
Cette ville de presque 9 millions d'habitants est fantastique : propre, aérée et verdoyante, jeune, dynamique, branchée tout en ayant gardé l'âme de l'Inde en son hyper centre. Tout s'y mélange: les traditions, la high-tech, la culture, l'art moderne ou traditionnel, les êtres atypiques, les couleurs et les senteurs sans parler d'une vie nocturne grouillante qui nous rappelle Marrakech à ses heures.
Nous tombons ce dimanche dans la foule démesurée du quartier Chickpet. Pris dans la marée humaine, nous dévions dans un cul de sac où des femmes en saris bigarrés et des enfants tout de blanc vêtus se pressent, les bras chargés de fleurs multicolores. C'est un jour saint et le temple de marbre blanc qui trône au fond de la cour est bondé. Seuls touristes à déambuler à proximité, un responsable nous convie aimablement à entrer à l'intérieur de l'édifice, le plus vieux temple de tout Bangalore. Il a plus de 500 ans. Malgré notre réticence après plusieurs déconvenues dans des édifices religieux, nous mesurons toutefois le privilège qui nous est accordé ici !
(voir vidéo ci-dessous)
VIDÉO :
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Nous alternons visites de la ville avec celles des jardins, journée de la femme et vieux marchés. Au Botanical Garden, nous rencontrons l'adorable John Devaraj, artiste engagé, révolutionnaire et adorateur invétéré du Tché ;-))...ce qui ne retire strictement rien à ses multiples et impressionnants talents de sculpteur, dessinateur, architecte, peintre, chanteur, écrivain etc...Nous apprenons à mieux nous connaitre en soirée concert et bien vite, c'est à mes talents de traductrice qu'il fait appel pour son recueil de dessins et de poèmes dont il me laisse le soin de la préface en français.
Oeuvres de John :
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A la fin de cette soirée, John se propose même de nous raccompagner à notre hôtel avec sa nouvelle voiture, un capricieux et antique 4X4 qu'il démarre à l'ancienne en frottant les fils du Neman. La bonne humeur est de mise !
Puis, des souvenirs plein la tête, nous nous envolons pour Kolkata, étape que nous voulons absolument rallier avant le printemps et ses moussons.
Sur les traces de Saroo !
( Film Lion )
Arrivée à Calcutta...
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Souvenez-vous de notre tout premier article sur l'Inde, fin novembre 2022 dans lequel nous abordions l'épineux sujet de la pauvreté et des enfants des rues. Nous n'avions rien remarqué de pire qu'à Casablanca et surtout Madagascar, mais vous promettions de refaire un bilan une fois arrivés à Calcutta.
Nous y voici donc et notre première sortie est pour le quartier Nord de Bara Bazar, le marché aux fleurs et les abords de la voie ferrée qui longent les Gaths sous le pont Howrah.
Oui, des baraquements de fortune en bois sont effectivement érigés de part et d'autre des voies, oui on sent la pauvreté mais pas la misère. Certes, des immondices jalonnent certaines artères et certains quartiers après le marché tout comme les berges du fleuve. Cependant, des points d'eau coulent à flot partout dans la ville où les gens y font leur toilette et y lave leur linge, y font leur vaisselle aussi. Chacun semble avoir un petit boulot, de quoi faire bouillir la marmite. La mendicité est très rare et se pratique uniquement autour des temples certains jours Holly (sacrés) par des adultes, en aucun cas par les enfants qui ne semblent pas trainer dans les rues en journée.
Ville mystique et fascinante, nous trouvons ici ce que nous cherchons depuis notre arrivée voici presque 4 mois : l'âme de l'Inde !
Et puis, Kolkata est notre "cité de la joie", celle qui nous a tant fait rêver depuis le film LION. Nous nous attardons un très long moment au Pont Howrah construit par les anglais en 1943 et qui enjambe le fleuve Hooghly (un des bras du Gange). Nous descendons sur les Gaths rive Ouest, là même où a été tourné une des scènes où Saroo est poursuivi par de méchants kidnappeurs d'enfants.
Nous prenons le bac pour rejoindre l'autre rive, toujours les seuls occidentaux au milieu d'une foule polie et souriante. C'est vrai qu'il n'y a rien pour attirer le touriste ici...nous, si !
Howrah Bridge :
Quartier d'Howrah :