MADAGASCAR
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(Partie nord)
Une courte nuit d’arrêt à Tana où il fait un froid de gueux et nous reprendrons la route demain pour notre dernière étape au Nord.
Marcel vient nous chercher très tôt avec notre carrosse : la route vers Majunga va être longue et très difficile.
En effet, nous ne mettrons pas moins de 13h à parcourir les 570 km, traversant des paysages d’altitude variés, enjambant des rivières tumultueuses descendant des montagnes, passant des ponts étranges sous lesquels s'échinent des chercheurs d’or, plongeant leurs battes dans les eaux froides, tels des forçats.
Notre arrivée chez Josy, une amie de Marcel, se fait tardivement et nous ne découvrons Majunga que le lendemain.
Ancienne ville coloniale au charme désuet, la cité garde quelques beaux vestiges du temps des français : ses maisons à grands balcons, ses larges avenues arborées et son port de pêche lui donne encore une atmosphère plaisante et reposante. Un baobab gigantesque trône au beau milieu d’un rond-point qui dessert le remblai. Nous sommes surpris par la couleur de la mer ! Le fleuve Betsiboka qui s’y jette colore toute la baie de ses eaux boueuses rouges, un peu à la façon d’une des sept plaies d’Égypte qui changea le Nil en sang. L’impression est fascinante !
Du coup, ne pouvant nager dans ces eaux étranges, Marcel nous amène à la grande plage de Antsanitia à 30 km plus au Nord. En route, nous nous arrêtons au lac sacré, lieu de sacrifices et d’offrandes offerts aux ancêtres de l’ancienne famille royale qui se seraient réincarnés en Tilapias, poissons locaux. Mais c’est aussi une réserve de lémuriens et ces derniers nous attendent sur le parking du site.
Nous sommes accueillis par un vieux guide « brûlé comme une savate », visiblement incapable d'articuler correctement. Nous avions déjà vécu ce type d’expérience au Sénégal avec le fameux et emblématique Mr Albert dont la cuite de la veille persistait encore à 9h du matin !
La visite au lac s’annonce tout aussi folklorique.
Cependant, une petite chose toute douce vient de jeter son dévolu sur moi et se blotti dans mes bras telle une peluche, le temps de la marche vers le lac. Cette petite femelle lémurien ne me quittera pas d’un pouce durant plus d’une heure, me faisant des bisous et cherchant mes caresses.
Il fait très chaud et nous reprenons la piste vers la plage en traversant des hectares de jeunes palmes tout juste plantées par l’école botanique de Majunga. Un travail titanesque !
Juste le temps de commander ma binouze et de choisir notre menu, nous nous jetons dans le lagon aux eaux délicieusement chaudes. Marcel aussi se joint à nous. Ces instants de repos sont plus que mérités, depuis plus de 30 jours qu’il nous trimbale à travers son pays. Et le plus dur reste à venir !
Nous avons nommé l’étape suivante, Port-Bergé/Ambanja, « l’enfer du Nord malgache ». Marcel mettra presque 9h à parcourir les 315 km de route complètement défoncée où, par endroits, les restes de tarmac arrivent en haut de nos portières.
Le goudron des ponts a disparu et les pièces métalliques de portance apparaissent, tranchantes, aux jonctions entre les ouvrages et le reste de la route. Le danger est permanent et l’attention de notre chauffeur est fortement sollicitée. La fatigue se lit sur son visage.
Le point de chute de ce baroud hors normes, l’ultime tronçon là-haut, tout au Nord, sera Diego-Suarez en passant par le Tsingy rouge d’Irodo.
Nous sommes allez au bout de l’île, au bout de notre rêve, exténués mais heureux !
Nous nous arrêtons au petit Tsingy et là, le fou-rire nous prend tous. Marcel y est bien venu voici 6 ou 7 ans alors qu’il était en formation de guide touristique mais il ne reconnait plus la piste. Cependant, il nous confiera quelques instants plus tard la vraie raison de cette amnésie passagère. En référence au film « la vache », ce n’était pas « à cause de la poire » mais bien du rhum local dont son groupe avait largement abusé au déjeuner. C’est en descendant vers la vallée du Tsingy que soudain, tel un électrochoc, la mémoire lui revient. En effet, c’est au même endroit qu’il s’était tordu la cheville, déséquilibré sous l’effet des vapeurs résiduelles !
Mais l’immense beauté du site que nous découvrons en descendant marches après marches nous stoppe net dans notre délire. Plus un mot ne sort de nos bouches. Nous sommes là, béats face à ce que la nature offre de plus majestueux. La rivière d’Irodo a sculpté cette œuvre d’art dans la latérite rouge (d’où le nom de Tsingy rouge) et l’érosion a fait apparaitre des centaines de pitons de calcaire blanc, tels des cônes de glaces vanille/chocolat offerts aux visiteurs. Il n’est ici pas question de crapahuter mais juste de contempler. Nul besoin de décrire avec des mots. Nous vous invitons à découvrir par vous-même au travers de nos photos.
Nous arrivons à la nuit sur Diego-Suarez où notre hôte nous attend. Laurent est un français qui, lui aussi, a parcouru une grande partie de l’Afrique avant de s’établir dans le coin fin des années 90. Cet homme charmant et prévenant nous conduit directement à notre bungalow en bord de plage.
C’est au petit matin que nous découvrons « le pain de sucre » qui trône au beau milieu de cette baie gigantesque d’Andovobazaha, la deuxième plus grande au monde après celle de Rio de Janeiro. Les eaux y sont peu profondes et la plage peu fréquentée. Nous comprenons vite pourquoi. Comme à Essaouira en été, le vent y est insoutenable. Inutile de tenter d’y faire bronzette, même 5 minutes. Cependant ce décor de carte postale est fabuleux.
En face, de l’autre côté, « la montagne aux français » semble nous lancer un nouveau défi. Marcel ne l’ayant jamais grimpée, veut aussi nous accompagner. Laurent nous prévient : il est question de 3 heures de « rando rugueuse » et de 700 marches à grimper sous un soleil de plomb, du moins sur les contreforts.
Après avoir fait le Grand Tsingy, même pas peur ! Et puis la vue d’en haut doit être à couper le souffle.
Arrivés à l’ancien fort, la montagne a tenu toutes ses promesses ! Nous découvrons toute la plaine, la baie, le Cap Ambre (bout de Madagascar inaccessible par la route) et puis la fameuse mer d’émeraude que nous visiterons le lendemain.
Afin de prendre un peu de repos avant de poursuivre notre vie de nomades conscients sous d’autres horizons, nous avons décidé de faire une halte de 10 jours sur l’île de Nosy Be où nous avons réservé un chalet chez un couple franco-malgache adorable.
Les « au-revoir » avec Marcel nous bouleversent. Ces quarante-deux jours en sa compagnie nous ont permis de souder des liens assez forts pour que le déchirement de la séparation le soit tout autant. Ce jeune homme de 31 ans nous a tout donné, fait partager les beautés de son pays de cocagne et tout l’amour qu’il lui porte. Nous avons tant échangé, tant philosophé et tant rit ensemble. Nous avons, comme lui, dormi dans des endroits où le vaza ne mettra pas souvent les pieds, partagé nos repas en sa compagnie dans des gargotes où la cuisine était succulente, voire surprenante. Le ragout de chauve-souris ou de hérisson, le poulet et le canard sauce, le poisson sauce, les soupes gargantuesques servies le soir, les sambos, les galettes de riz et autres saucisses au brede accompagnées des traditionnels achards étaient au menu de chaque jour.
« Marcel, nous ne te remercierons jamais assez de tout ce que tu as fait pour nous. Ton professionnalisme, ta gentillesse, ta délicatesse t’honorent. Tu resteras toujours de nos cœurs ».
Voilà, nous montons dans le bateau rapide en partance pour Nosy Be en lançant un dernier geste à notre ami. Nous faisons une courte halte sur Nosy Komba où une habitante attend une livraison que le capitaine lui laisse au passage.
Lionel est assis à côté du commissaire de police de la grande île qu’une délégation de flics accueille en grandes pompes à Hell-Ville à la descente du bateau.
Aux Chalets de Mélinda, nous tombons sur « Capitaine », Fred de son prénom, et Tatiana sa charmant épouse malagasy. Nous sommes accueillis comme si nous nous étions toujours connus. Puis nous apprenons que Fred est écrivain et qu’avant de s’enraciner à Nosy Be voici 24 ans, cet ancien marin avait parcouru le monde à bord de son bateau.
Toujours pas de hasard….. !
Il nous aide à nous procurer une vieille 4L décapotable qui nous permet de faire le tour du caillou, de ses plages de sable blanc, de monter au « mont Passot », d’aller nous baigner à la cascade sacrée et de traverser les centaines d’hectares d’ylang-ylang, spécialité de l’île lui valant le nom « d’île aux parfums ».
Finalement, nous aurons tout-deux la même réflexion : Comme dans toute ces destinations ultra-touristiques au soleil, tout est surfait et c’est « Dédéland ». Partout de « vieux beaux » résidents, occidentaux bedonnant au bras desquels se trimbalent de très, très jeunes filles malgaches ou de jeunes mères. Les rares touristes restent scotchés à leurs hôtels qui leur organisent des sorties totalement encadrées. De fait, pas de place à l’aventure tant nécessaire à la découverte des habitants qui font de ce pays ce qu’il est : authentique !
Les plus beaux sites sont, comme d’hab, entièrement privatisés, impossible de s’approcher des plages. Notre mode baroud en prend un sacré coup !
En fin de compte, nous surnommerons cette destination « Nosy Boff ».
Nous reprenons l’avion avec la compagnie malgache Tsaradia vers Tana où Marcel passe nous faire un dernier coucou. Nous décollons à 17h pour de nouvelles aventures sous d’autres cieux où nous allons passer la fin d’année.
L’escapade Madagascar restera très longtemps gravée dans nos mémoires.
(A Marcel, mon fils de coeur)
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