INDE
Kerala
Nous arrivons chez Mélissa, une toute jeune femme de 25 ans, qui nous accueille comme des amis. J'ai l'impression de me revoir à son âge. Elle est partout et gère sa magnifique maison d'hôte de main de maître. Pour sûr, le fameux adage lui va à ravir : "La valeur n'attend pas le nombre des années !"
Cette "home stay" va devenir notre "camp de base" au Kerala pour le mois.
De notre quartier tranquille, nous partons à pied à la découverte de Fort Kochi ( vieille ville de Cochin), ancienne colonie portugaise puis anglo-hollandaise. Le tour du "village" est plutôt vite fait.
Nous déambulons à travers les petites rues qui bordent la pointe où les pêcheurs aux filets chinois exposent leur prise du matin sur des étals de fortunes qui s'étirent sous les arbres centenaires. Au loin, de l'autre côté de la passe, les grues gigantesques du grand port de commerce s'élèvent fièrement, chargeant les cargos en partance pour le monde, le ventre chargé d'épices et de denrées diverses.
Les cinq premiers jours de notre présence sont consacrés aux adresses de renom, tel que le "Tea Pot" (salon de thé au décor rustique), "the Old Harbour" (restaurant dont le steak de thon nous a littéralement envouté), "Chez Mary" (une table d'hôte et cooking-class dont le menu est ridiculement bon marché). Le détour par le quartier juif nous laisse sans voix. Tout est resté dans son jus nous donnant l'impression de vivre hors du temps...et hors de l'Inde. L'atmosphère y est apaisante, ralentie, les commerçants sont aimables et déférants et les coups de klaxon sont inexistants. Bref, la discipline britannique est bien ancrée.
Reds Residency home stay
Cochin :
Pourtant casaniers passé 18h, nous faisons une exception un soir pour assister à un spectacle au "Kathakali center" tout proche de chez nous. Nous optons pour le Kalarippayattu, une démonstration de combat purement indien et ce qui convient de définir comme "la mère de tous les arts martiaux". Nous passons une heure de pur bonheur dans une salle quasiment vide où le nombre de spectateurs était équivalant à celui des acteurs...
Nous prenons le taxi pour Quilon situé à 130 kilomètres plus au Sud et nous débarquons au Paradis ! Notre hébergement, Ashtamudi Villas, est niché dans un sous-bois de cocotiers au beau milieu des Backwaters et, premier réflex : nous sautons dans le canoë qui nous fait de l'oeil depuis notre arrivée.
Cet après midi au fil de l'eau est délicieusement zen. Seuls le bruit de la pagaye, le chant des oiseaux et l'appel à la prière viennent troubler ce silence salvateur. Nous passons 2h enchanteresques à rêver et admirer les moindres recoins de cet Eden indien.
Le lendemain, nous prenons le bac pour Munroe Island, la perle des Backwaters...la bien nommée. Ce groupe d'îles intérieur est coincé entre le grand lac Ashtamudi et la rivière Kallada. La traversée nous rappel étrangement notre baroud sur la route du grand Tsingy à Mada. La même barge, mais le moteur de broyeuse est remplacé par un engin plus moderne...et piloté par un véritable capitaine.
Lionel nous a choisi une home stay sobre mais très confortable tenue par une famille adorable. Lui est un ancien militaire et aussi un notable de l'île. Très impliqué dans la vie religieuse hindouiste, il nous convie au déjeuner offert à des milliers de personnes cette semaine là. En effet, nous sommes en pleine période de festivals et chaque temple consacre une partie de son budget aux offrandes et au bien-être des populations locales durant la semaine sainte.
Mulachanthara Devasom Temple :
Nous consacrons ce séjour à la randonnée et au canotage.
Nous quadrillons ce minuscule territoire de long en large, traversant les hameaux isolés et des champs vierges, franchissant les ponts qui enjambent les canaux et là, nous réalisons qu'ici aussi l'eau monte... inexorablement.
En 2018, la région avait subit une terrible inondation dont les stigmates sont encore visibles. Mais pire, les marées ne baissent plus assez et la montée des eaux empêche tout assèchement. Les routes disparaissent et des centaines d'habitations sont condamnées à l'abandon, ceintes par les eaux saumâtres et noyées par les pluies des moussons qui ne s'évacuent plus. Une vraie désolation !
Le fils de notre hôte étant propriétaire d'une barque traditionnelle, nous nous offrons une matinée mémorable à travers cette "Venise Verte" exotique.
On nous dépose aux aurores au bord du canal dans un silence que seuls les oiseaux nocturnes perturbent de leurs cris. Le jour n'est pas encore levé.
Notre "pigouilleur" met doucement l'embarcation en branle et, lentement, nous remontons la zone humide. Dans cette obscurité, d'étranges et inquiétantes ombres semblent vouloir nous attraper au passage. Le petit jour commence à poindre et la brume qui se forme au dessus de l'onde rend le décor fantasmagorique. Puis le ciel commence à se parer de rose et soudain la nature se colore tel un arc en ciel. L'instant est purement magique et nous transporte de bonheur. Notre batelier va presque trop vite à notre goût et nous n'avons guère le temps de tout immortaliser. La beauté est partout autour de nous... mais nous n'avons encore rien vu !
Nous assistons au lever de soleil sur le grand lac, blottis sous la mangrove. Les oiseaux se réveillent tout juste et prennent leur premier envol de la journée dans une joyeuse cacophonie. Le temps vient de s'arrêter et "dure longtemps"...(Nino Ferrer)
Au retour, l'astre de feu est déjà haut. La brume sur les canaux s'est dissipée, laissant la place à un miroir dans lequel se reflette cette nature exubérante. Il y a plus d'une heure que nous ne parlons plus, chacun à sa rêverie appréciant la beauté de ce qu'a dû être la création du monde.
Bye bye Munroe Island, direction Alleppey en train...
Envoûtés par ce séjour sur l'île et désireux de prolonger la magie encore pour quelques heures, nous prenons le train à la minuscule gare de Munroturuttu pour Alleppey.
La ville en elle-même n'a aucun intérêt. En revanche, c'est le départ des houseboats pour explorer les plus célèbres Backwaters de la région.
Nous sommes vernis ! Non seulement notre bateau se trouve être l'un des plus beaux et des mieux entretenus de la marina mais comble de satisfaction, nous en sommes les seuls clients ce jour-là. Nos habitudes de privatisation ne se démentent décidément pas !
Tels de hauts dignitaires indiens, nous nous laissons balader à travers ce décor de carte postale, chouchoutés par un personnel aux petits soins. Collation, déjeuner, dîner et petit-dej sont servis avec raffinement et beaucoup de délicatesse et les petites attentions sont touchantes.
Ce côté des Backwaters est moins romantique que les canaux de Munroe car il s'agit principalement de larges rivières et de vastes étangs couverts par endroit de jacinthes d'eau, mais la vie y est plus présente.
Nous nous concentrons alors sur les scènes du quotidien. Ici une femme lavant sa longue chevelure couleur de geai, les pieds dans l'eau, une mama faisant sa vaisselle, des ouvriers transportant des matériaux de construction à bord de larges barques, d'autres revenant à pied de la ville en longeant la digue ou un paysan remontant le courant avec une monstrueuse cargaison d'herbe pour son cheptel. Les chants religieux rythment notre balade, aussi. Les belles et cossues demeures flirtent avec les modestes cabanes et tout ce petit monde se côtoie sans grande différence apparente de classes sociales et de religions. Il faut dire qu'ici, tout le monde est logé à la même enseigne...la montée des eaux envahira la région tôt ou tard, alors l'entraide est palpable.
Le soleil va bientôt se coucher ! Notre équipage nous dirige vers une lagune tranquille pour y passer la nuit. Nous débarquons pour une heure de promenade à travers les hameaux construits sur les digues fragiles. Nous sommes accueillis par de charmants sourires. Les échassiers, quant à eux, regagnent bruyamment leurs nichoirs dans un bal élégant.
VIDÉO :
Cochin - Quilon -Munroe Island
1 500 km de canaux naturels ou artificiels incluant plusieurs grands lacs où se jettent 44 rivières avant de s'écouler vers l'océan indien.
Notre houseboat :
Au fil des Backwaters...
La légende des backwaters veut que depuis la pointe Sud de l'Inde, Parasurama, sixième avatar de Vishnu, désireux de choisir une contrée pour en faire "la maison de Dieu", lança sa hache de guerre en direction du Nord. Celle-ci atterrit sur le Kerala, la terre se fractura laissant apparaitre canaux et lacs, sources de vie pour toute la région.
God's own Country est née !
VIDÉO :
Backwaters d'Alleppey
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